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Loin, si loin que se porte la vue, l’œil se perd dans l’immensité de la banquise. Le soleil au plus profond de l’horizon, transperce les nuages et illumine la surface glacée. Les ombres s’allongent et dansent sous la lumière furtive. Le soleil joue avec les nuages et la neige s’enflamme et scintille. L’instant est un perpétuel recommencement. L’instant glisse sur la banquise, immuable et éternelle… Elle a fait prisonnier le Temps, un jour, il y a si longtemps. Elle a capturé le Temps dans un cristal de pureté, et l’a enfoui dans son cœur de glace. La banquise… rassurante d’immobilisme et d’éternité, ancrage de nos plus lointains souvenirs et germe de nos rêves d’avenir. `

Et le vent la fait murmurer et chanter. Le vent la fait vibrer, siffler. La banquise se livre sous la bise qui s’enroule autour des ombres dansantes. Les bourrasques la laissent s’exalter et hurler. Les sons résonnent et se font échos dans le dédale bleuté de ses souvenirs. Le vent, la lumière, l’air roulent en vagues souples sur les rondeurs apparentes des glaces. Encore et encore … Et les tourbillons virevoltent gonflés de flocons de neige, sensation de battement et illusion de flottement. La banquise exulte dans l’onde frémissante du vent.

Sur sa surface une trace, des empreintes qui s’éloignent. Des empreintes, des marques de passage, elles viennent d’ici et partent là-bas. Des empreintes de vie, des pas abandonnés sur la neige, soupçon de présence… La banquise vit et la vie s’est fait banquise, blanche et secrète au rythme lent et infini des glaces.

Et pourtant, ce qui semblait immuable, ce qui semblait infini, depuis peu s’est mis en mouvement, lancinant et infime. Imperceptiblement, la banquise tremble sous l’effet d’une pulsion nouvelle.

Quelque part loin, très loin d’ici, l’homme a libéré le Temps. Le cristal de glace qui le retenait s’est mis à marteler les secondes, goutte à goutte, vague après vague. Le cristal qui le retenait se dilue inexorablement. Le Temps sort de sa torpeur, le Temps se réveille. Il est affamé d’énergie, d’impulsion et d’existence. Devant lui, un espace infini d’immobilisme, un espace d’éternité patiemment dessiné, de neige en neige, d’aurore en aurore. Un espace pur et libre, un espace d’équilibre entre l’air, la lumière, la terre et l’eau, …

Et le Temps, aspire l’espace. Le Temps redonne mouvement au soleil et à l’eau, de plus en plus vite pour rattraper les infinités. L’équilibre est rompu et la banquise vacille, la banquise gémit …

Son chant devient plus grave. Les compagnons du jour et de la nuit arctique, ses compagnons de toujours ont rompu l’immobilisme. Le murmure lancinant des vagues se mêle dorénavant au souffle du vent. L’océan s’infiltre en noir filament dans les ombres dansantes des nuages. La banquise gémit à fendre l’âme et se craque de désespoir. Des chemins oubliés s’ouvrent à nouveau et de grands icebergs à peine conçus s’évadent déjà vers le néant.

L’océan bouillonne d’un trop plein d’énergie et bouscule la banquise qui se fissure. Le soleil devient cruel. Sa caresse se fait brûlante. Les glaces et les neiges amoncelées avec patience, façonnées par la lumière et le vent, explosent de douleur. La banquise pleure des diamants bleus aux courbes de douceur et ruisselant d’une beauté tragique et éphémère.

Des pans entiers de glace se désagrègent et s’irisent de lumière par leurs multiples facettes avant de s’abîmer dans les flots. La terre oubliée refait surface zébrant la neige de noires traînées. Les roches sont mises à nu. L’infinie a cessé d’être. Le Temps a repris sa course, absorbant le vent, l’océan, les glaces et la vie qui s’épanouissait en ces lieux…

Et pourtant, la vie s’accroche à la banquise. Parce que c’est la seule chose qu’elle sait faire, vivre jusqu’au bout de l’étincelle qui l’anime. Naître, chasser, se faire chasser, se protéger, se reproduire, puis à son tour donner la vie, et recommencer, recommencer encore… Ours blancs, phoques, pingouins, renards… continuent inlassablement le cycle de la vie.

Mais les traces, les empreintes dans la neige ont fini par rejoindre les animaux de la banquise. La vie n’est plus secrète, elle s’étale au grand jour. Où se cacher lorsque la glace protectrice devient à son tour danger. Les grands espaces se morcellent et se déplacer devient si pénible. La chasse est souvent infructueuse et la faim les tenaille.

Malgré tout, la grande ourse blanche continue de chercher le compagnon le plus fort, probablement le plus vivant, pour concevoir la vie encore une fois. La quête est de plus en plus longue et le chemin de plus en plus périlleux… La rencontre hasardeuse… et la survie de la portée de plus en plus incertaine.

La vie résiste mais ce n’est que par caprice du Temps.

L’équilibre est rompu, la vie se meurt parce que la banquise se meurt…

La banquise se meurt parce que l’homme a réveillé le Temps, pour aller encore plus vite, encore plus loin. Et le Temps libéré entraîne l’homme dans une spirale infernale. Si vite, si loin, si fort qu’il n’a plus le courage de regarder l’horizon de son futur. Alors il court, de plus en plus vite…

L’homme est pressé, il est trop occupé.

Et puis un jour, sans qu’il s’en rende compte, le futur est devenu passé…

Souvenez vous, c’était hier, lorsque l’ours blanc vivait encore en liberté, sur la glace arctique Au plus profond de la nuit polaire, les aurores boréales enflammaient le ciel et la banquise explosait de lumière. Elle éclatait en étincelles colorées, renvoyant à l’infini les grands arcs ioniques dansants sur la voûte céleste. La banquise rendait hommage au soleil par ces milliers de facettes et ces millions de cristaux de glace. C’était hier lorsque la banquise était encore glace. La banquise, qui nous rassurait alors par son immobilisme, et son éternité. La banquise, ancrage de nos plus lointains souvenirs et que nous n’avons pas su préserver comme germe de nos rêves d’avenir…

Texte de Florence C.

 

 

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